C’est l’histoire d’un meunier alsacien lassé de voir la qualité du pain se dégrader au fil des ans qui a décidé de basculer de l’autre côté. «J’ai un petit peu dérapé, je suis devenu boulanger», se souvient le sourire aux lèvres Jean Kircher. Le PDG de Pains & Tradition emploie 80 salariés sur son site de production de Hautcharage, et a racheté il y a trois ans le moulin familial situé à Ebersheim, en Alsace.
Pains & Tradition produit 25 millions de pains par an sur ses deux sites de Hautcharage et de Mont-Saint-Martin. Ils sont ensuite vendus pour la moitié environ dans la restauration et pour l’autre moitié dans la distribution de détail comme des épiceries et des fromageries. En outre au Luxembourg, Cactus entretient un partenariat avec la firme tandis qu’en Belgique, Delhaize distribue ses pains.
Ceux-ci sont précuits et surgelés. «C’est le moyen logistiquement facile d’aller partout, c’est ce qui nous aide aussi à aller jusqu’au Japon, au Qatar, à Taïwan, en Russie», énumère le PDG qui n’hésite pas à citer Paul Bocuse: «Le froid ne tue pas la qualité». «Ce n’est pas parce qu’on congèle un pain qu’il est automatiquement mauvais», ajoute l’Alsacien.
Une conscientisation au bio qui se fait attendre dans la restauration
«On a 50 ans de retard et on y tient», affirme Jean Kircher. Dans son moulin, seuls des grains bio sont moulus pour ensuite être transportés dans l’un de ses deux ateliers de production. Mélangée à du sel de Guérande, de l’eau et des levains de pâtes issus de cultures propres, cette farine donne naissance à un pain pétri lentement avant une cuisson sur four à sôles de pierre.
N’allez pas demander du pain sans gluten à Jean Kircher, il prône un retour aux sources. «Notre objectif, c’est de redonner ses lettres de noblesse au pain», assure celui qui fournit des tables gastronomiques voire étoilées. Il a pour ce faire des plateformes de distribution situées à Lyon et à Nice d’où sont expédiés les produits dans les restaurants clients. Une troisième est en cours d’ouverture en Suisse.
Quant à la demande, elle ne semble pas varier géographiquement. «Je regrette plutôt une absence de demande pour les produits bio, parce que la restauration n’est pas encore suffisamment conscientisée là-dessus», relaie Jean Kircher.
On peut aussi se demander pourquoi des tables de renommée ne font tout simplement pas leur pain elles-mêmes. «Faire du pain pour un cuisinier, ce n’est pas très rentable», répond le meunier devenu boulanger qui revendique sa spécificité: «On est vraiment une filière du grain au pain».
Adepte du «slow food», Pains & Tradition n’est pas seul à revendiquer un retour aux sources. «Il commence à y avoir des boulangeries – petites ou grandes – qui entrent tout doucement dans notre logique», constate l’entrepreneur qui d’un côté se réjouit de cette prise de conscience mais de l’autre, y voit une concurrence voire une tricherie si les engagements ne sont pas respectés.
Quoi qu’il en soit, cela fait 20 ans cette année que Pains & Tradition est entré sur le marché de la restauration avec un catalogue aussi bien composé de petits pains que de grands pains et de quelques viennoiseries.
«On fait exactement ce qu’on a fait il y a 20 ans», assure Jean Kircher qui compte sur associés et ses enfants – 10ème génération de cette famille de meuniers – pour perpétuer ses valeurs.
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